UNIVERSITY OF PENNSYLVANIA - AFRICAN STUDIES CENTER
Bulletin special d'IRIN sur le SIDA en Afrique, 4 Dec 1998

Bulletin special d'IRIN sur le SIDA en Afrique, 4 Dec 1998


N A T I O N S U N I E S

Bureau de coordination des affaires humanitaires I R I N Afrique de l'ouest

Tel: +225 217354 Fax: +225 216335 e-mail: irin-wa@africaonline.co.ci

SIDA: Bulletin special d'IRIN sur le Sida en Afrique

L'Afrique sub-saharienne est la region du monde la plus touchee par le Sida.

D'apres les dernieres statistiques publiees a la veille du 1er decembre, Journee mondiale de lutte contre le Sida, par l'ONUSIDA, Programme Conjoint des Nations Unies pour la lutte contre le VIH/Sida, et l'Organisation mondiale de la sante (OMS), quelque deux millions de personnes sont deja mortes de la maladie cette annee dans l'ensemble de l'Afrique. Sur dix personnes qui, a travers le monde, ont contracte le virus VIH en 1998, sept en moyenne vivent en Afrique sub-saharienne, region qui concentre aussi a elle seule 83 pour cent de tous les deces dus a la pandemie recenses depuis le debut de celle-ci. Pourtant, un dixieme seulement de la population mondiale vit en Afrique au sud du sahara.

Le present bulletin se fonde sur les dernieres recherches de l'ONU ainsi que sur un entretien d'IRIN avec le Dr Peter Piot, Directeur General d'ONUSIDA.

Les zones les plus menacees

Les regions du continent les plus touchees par la crise sont, en ordre decroissant, l'Afrique australe, l'Afrique orientale et centrale et l'Afrique de l'Ouest. Les dernieres recherches de l'ONU montrent que de maniere generale, l'Afrique de l'Ouest est moins contaminee par le VIH que l'Afrique orientale ou australe.

On estime que depuis le debut de l'epidemie, quelque 34 millions d'habitants d'Afrique sub-saharienne ont ete contamines et que 11,5 millions d'entre eux, dont un quart d'enfants, en sont deja morts, selon le rapport publie par l'ONUSIDA lors de la Journee mondiale consacree a la maladie.

"Quelque quatre millions de ces individus auront contracte le virus au cours de la seule annee 1998," precisait le rapport. "On estime qu'au cours de 1998, le Sida aura ete a l'origine de deux millions de ceremonies funeraires en Afrique."

La majorite des pays les plus touches se trouvant en Afrique australe, le Dr Piot s'est rendu cette semaine en Afrique du Sud pour y presenter le rapport de son organisation. Au Botswana, en Namibie, au Swaziland et au Zimbabwe, une personne sur cinq entre les ages de 15 et 49 ans est contaminee par le VIH ou le Sida, d'apres les estimations actuelles de l'ONU.

"Nous savons maintenant qu'en depit de ce degre deja tres eleve de contamination, il faut encore s'attendre au pire en Afrique australe," a declare M. Piot. "La region se trouve confrontee a une catastrophe humaine d'une ampleur sans precedent, encore pire que celles provoquees par la secheresse ou toute autre calamite naturelle."

En Afrique du Sud, au Malawi, en Mozambique, en Zambie et au Rwanda, un adulte sur sept a neuf est contamine par le VIH. En Republique Centre-Africaine, en Cote d'Ivoire, a Djibouti et au Kenya, au moins un adulte sur dix a contracte le Sida. Le Senegal et l'Ouganda sont cites parmi les pays ou des campagnes de prevention menees des le debut et avec constance semblent avoir produit une baisse du taux de contamination par le Sida. Au Zimbabwe, on a dissemine 25 postes de surveillance a travers le pays pour le depistage chez les femmes enceintes; or la proportion de femmes qui, etant passees par 23 de ces centres en 1997, ont ete declarees seropositives etait de 20 a 50 pour cent. L'Afrique du Sud, encore loin derriere ses voisins au debut de la decennie, concentre desormais juste un peu plus de la moitie de tous les nouveaux cas de Sida recenses en Afrique australe.

Les plus exposes

Les categories les plus exposees, selon les dernieres recherches, sont les jeunes ages de 14 a 24 ans, dont une majorite de jeunes filles et jeunes femmes. On note de meme source qu'au Kenya, une etude menee sur 10 000 ecolieres a montre qu'elles commencaient leur vie sexuelle entre 14 et 15 ans; or il n'existe dans ce pays aucun programme de formation a l'hygiene sexuelle ni aucune structure de conseil en matiere de prevention des maladies sexuellement transmissibles.

Les donnees resultant de la surveillance epidemiologique du VIH montrent que les jeunes filles et les jeunes femmes sont souvent contaminees plus tot que les garcons. Au Kenya, 22 pour cent des jeunes filles agees de 15 a 19 ans ont deja contracte le Sida, contre seulement quatre pour cent des garcons appartenant au meme groupe d'age. Une etude menee en Zambie sur le meme groupe d'age a revele que 12,3 pour cent des filles etaient contaminees, contre 4,5 pour cent des garcons. En Ethiopie, entre 20 et 24 ans, 35,4 pour cent des jeunes femmes ont contracte le virus, soit plus de trois fois la proportion de jeunes hommes (10,7 pour cent).

"Ce qui ressort de nos dernieres recherches en Afrique, c'est le jeune age auquel les victimes sont touchees, et le fait que celles-ci soient surtout les jeunes filles et jeunes femmes," a declare M. Piot. "C'est ce qu'il y a de plus frappant et de plus choquant."

Les dernieres recherches montrent que le Sida fait peser desormais a lui seul la plus lourde menace sur le developpement en Afrique, puisqu'il amoindrit l'esperance de vie, reduit le revenu des menages et leur consommation, surcharge les systemes de sante, accroit la mortalite infantile et le nombre d'orphelins, tout en causant un manque a gagner tant pour le commerce et l'industrie que pour les menages.

On a ainsi calcule qu'en Afrique australe, un ouvrier atteint du Sida coute a son employeur environ 200 dollars US par an en pertes de productivite, frais de traitement, allocations et formation de remplacants, le cout etant encore plus eleve pour les responsables et les plus qualifies. Par exemple, au Kenya, le Sida a coute six pour cent de la masse des benefices en 1994, proportion qui devrait atteindre 15 pour cent en 2005. En Afrique du Sud, on estime que le total des allocations liees au Sida que paieront les entreprises a leur personnel equivaudra a 19 pour cent de la masse salariale, contre sept pour cent en 1995. En Cote d'Ivoire, des etudes ont montre que lorsque la personne qui procure la principale source de revenu est atteint du Sida, le revenu du menage est reduit des deux tiers et sa consommation, notamment en matiere d'education, baisse de plus de moitie. En Namibie, ou le taux de mortalite infantile aurait du etre ramene a 45 deces pour 1 000 naissances dans le courant des dix premieres annees du prochain siecle, on s'attend maintenant qu'il remonte a 72 pour 1 000 a cause du Sida.

M. Piot a declare: "Dans les pays les plus touches, les entreprises perdent du personnel qualifie a un rythme inedit dans le monde industrialise. On embauche a raison des defections prevues dues au Sida. Les benefices sont rognes par le cout des soins et par les heures de travail perdues en raison de la maladie et des absences dues aux obseques."

La lutte contre le fleau

Pour les experts de l'ONUSIDA et de l'OMS, la prise de conscience du public constitue la premiere ligne de defense contre le Sida. Critiquant volontiers les gouvernements peu enclins a reconnaitre l'etendue de la maladie, M. Piot a declare que le message lance a l'occasion de la Journee mondiale contre le Sida appelait a "la lutte contre le silence lie a la honte qui continue de voiler l'epidemie." L'ONU se rejouissait, a-t-il ajoute, de l'esprit de plus grande ouverture dont venaient de faire preuve les autorites d'Afrique du Sud, du Botswana et du Zimbabwe.

Du cote des bonnes nouvelles, M. Piot a note que dans certains villages des plus contamines d'Afrique australe, on mettait actuellement au point des dispositifs permettant de reserver des terres arables au benefice des orphelins et des menages victimes du Sida. Les efforts de prevention sur le lieu de travail font d'autre part la preuve de leur efficacite. Une etude mene recemment au Zimbabwe montrait que pour un cout de seulement six dollars US par ouvrier, les campagnes de prevention en usine avaient fait baisser tres notablement le nombre des contaminations.

"Mais la honte qui accompagne le Sida continue a bloquer les avancees, puisque le public eprouve de la gene a parler du VIH, a en reconnaitre les risques et a faire ouvertement face a l'epidemie," a declare M. Piot. "Le citoyen moyen pourra hesiter a soulever avec son conjoint la question du recours au preservatif, de peur que cela passe pour l'aveu qu'il a contracte le virus."

Pour de plus amples developpements et des donnees detaillees pays par pays, les abonnes d'IRIN peuvent se reporter au site de l'ONUSIDA sur Internet: http://www.unaids.org

IRIN-CEA, IRIN-WA, IRIN-SA

[FIN]

Date: Fri, 4 Dec 1998 15:53:16 +0000 (GMT) From: UN IRIN - West Africa <irin-wa@wa.ocha.unon.org> Subject: Bulletin special d'IRIN sur le SIDA en Afrique


Editor: Ali B. Dinar, aadinar@sas.upenn.edu